Soufia Bensaïd

nous présente les fruits de son confinement …

Seule et ensemble

Il est où le cadeau du confinement ? Parce que dans chaque bordel, dans chaque crise, que je préfère percevoir et nommer comme un défi. Dans chaque défi de la vie il y a un cadeau. Un présent. C’est étonnant comme le langage dévoile ce qui sous-tend notre perception de la réalité. Je trouve fascinant que le monde se soit retrouvé en mode retraite. Retraite forcée. Retraite quand même. On dit que le corps humain a besoin d’environ 3 semaines, 21 jours, pour qu’un shift intérieur, une transformation profonde opère. C’est un processus que je vis souvent en résidence de création en mode retraite. Entre la 2e et 3e semaine, confinée dans le même espace, dans des conditions qui deviennent souvent inconfortables – vues du dedans – à un certain moment je vis un basculement. Une ouverture inattendue à l’intérieur. Après une période frénétique riche en actions, en émotions, en up and down, en doute, en remise en question, en alleluia et en errance, en résistance, ça lâche. Ça se détend. Ça s’abandonne à la vie. Je fini par accepter ma situation. A ne pas savoir ce qui vient après. Juste à m’assoir dans là où je suis, maintenant, sans chercher autre chose. « Maïna » disait-on enfant en cours de jeu. Je sors de l’engrenage. Et me dépose dans toute ma vulnérabilité. Tant pis. Je suis ce que je suis. Et au moment où je n’attends plus rien, quelque chose en dedans se passe, ouvre la voie, éclaire le chemin : les priorités profondes, l’essentiel, ce qui est important pour soi en tant qu’humaine. La vie. La vie telle quelle. Simple. Sans chichi ni tergiversation. Et la création jaillit de là. De cet espace d’abandon, de cet espace de reconnexion à soi. A l’essentiel. C’est pour ça que je suis artiste. Parce que l’art est un agent de transformation. De soi d’abord. Et par extension de l’autre. De la société. Ce qui est exprimé à partir de cet espace intime et à la fois universel porte en lui une justesse profonde qui se sent, qui transforme profondément, qui nourrit une vie saine en chacun de nous. Il est là le cadeau du confinement. Un des cadeaux. Il n’est pas facile à vivre je reconnais mais il est accessible. La majorité des humains ont reçu la possibilité de se déposer et se reconnecter avec leur monde intime, leur monde intérieur, les peurs, les insécurités, les perceptions, les croyances qui régissent leur vie et aussi leurs cris du cœur ignorés depuis longtemps, leur appel à la vie, ce qui leur est important. Il est là le présent. Prendre en considération ce qui est essentiel pour soi. Et le remettre au premier plan. Et maintenant ça ne tient qu’à soi, riche et pauvre, frêle et fort, vaste et restreint, de l’honorer. D’honorer son humanité

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