Jouda Gomri

nous présente les fruits de son confinement …

Au bout du conte, un fil

Au bout du conte, un fil!
Aucune visibilité, le monde est à l’arrêt.
Nos corps sont limités dans l’espace et dans le mouvement.
Nos projets freinés. Le danger qui nous guette et l’incertitude nous plombent littéralement.
Et pourtant cette drôle de période a donné ses fruits, pas ceux qu’on avait prévus, ni ceux qui étaient destinés à un événement programmé. Non. Ces résultats sont les fruits du confinement.
Loin de mon atelier, je passe cette période dans mon appartement avec mon mari et mes deux enfants. Pendant deux semaines je me suis occupée de la gestion d’espace: l’espace pour chacun et chaque activité; de la gestion du temps: temps de travail, temps d’écrans…le temps de s’assurer que tout le monde va bien; de la gestion des stocks: qu’est ce qu’on mange? Quand?
Combien et comment?
Deux semaines passées à jouer un rôle pour lequel je n’étais pas préparée. Il fallait être performant, créatif et inventif pour pouvoir tenir le coup face à un ennemi intrusif et invisible.

Deux semaines à regarder le monde à travers deux cadres, celui de la fenêtre et celui de l’écran.
L’un me renvoyait l’image d’une nature foisonnante qui reprenait ses droits mais qui restait au-delà du périmètre autorisé. Restez chez vous, était le mot d’ordre!
L’autre cadre affichait un monde qui va mal, avec un nombre de morts effrayant, des recherches peu crédibles et des messages politiques incapables de rassurer les citoyens. Restez chez vous!
Tous les ingrédients étaient réunis pour que l’anxiété gagne du terrain! Elle a fini par remplir mon espace.
Et un beau jour je me réveillée avec l’intention de me prendre en main et de pousser les portes.
Je devais dessiner mon chemin dans ce flou ambiant.
J’ai ouvert la première porte pour aller faire un petit tour en respectant les gestes barrières et dans la limite du km autorisé. J’ai réalisé que le monde autour de nous, ne s’est pas écroulé.
J’ai ouvert la deuxième porte, celle de l’imaginaire, celle des mondes qu’on s’autorise, qu’on visite simplement ou qu’on construit et dans lesquels on se sent libre et vivant.
Et puisqu’on ne peut pas se projeter dans l’avenir, je me suis nourrie du passé.
Le monde du conte dans ma langue natale est un monde qui me rapproche des gens que j’aime et qui sont loin de moi. Je n’allais pas les revoir avant un certain temps alors je vais tisser les liens autrement.
J’ai repris un projet resté en suspens par manque de temps.
Finir le conte de Teffeha ´Pomme’ en arabe, et permettre à mon héroïne de résoudre son énigme, était devenue ma tâche principale. Teffeha est en quête de sens et mon rôle était de l’aider à travers le dialecte tunisien qui renferme les indices dans sa propre structure.

Un mois et demi sont passés et le monde du conte a, lui aussi, foisonné.
Parti d’un dicton tunisien, qui parlait d’un simple fil comme seule récompense d’un dur labeur, j’ai imaginé cette petite chose comme un lien fragile et précieux qui nous retient à la vie.
Alors je me suis raccrochée à ce fil comme s’il dépassait d’un tapis volant.
Il est devenu mon fil conducteur qui me fait traverser des mondes étranges dessinés à l’encre ou conçus dans le digital. L’espace n’avait plus d’importance, mon projet a repoussé les murs. Dans un petit coin de mon séjour, mon atelier se résume à une console le jour et à un écran la nuit.
Les lettres et les mots sont mes alliés, ils ont plongé dans mes profonds souvenirs pour s’imprègnent du sens et enrichir le conte, et se sont essayés à l’abstraction qui leur permet d’investir un autre niveau de lecture et proposer une autre vision des choses.
Voici mes fruits confinés et au bout du conte, un fil!

petit extrait …

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