Adelina Colucci

nous présente les fruits de son confinement …

Not alone

Une série documentaire en ombres et lumières sur l’isolement, réalisée pendant la période de confinement obligatoire, et dans le respect total des mesures de distanciation physique et des gestes barrières.

Comme beaucoup d’entre nous, l’annonce de cette période d’isolement obligatoire et à durée indéterminée m’a glacée et complètement paniquée. J’ai d’abord été saisie d’émotions toutes plus sinistres les unes que les autres. En tant que parent je me suis sentie dépassée, parfois oppressée, et souffrant de ne jamais vraiment être seule un instant. Professionnellement, des mois et des mois de travail venaient d’être anéantis. Puis cette pression sociale, sur les réseaux, cette sorte de déni généralisé et ce besoin frénétique de mettre en scène sa productivité débordante et de dissimuler ses pensées négatives ont achevé de me déprimer. J’avais juste envie d’aller toquer à la fenêtre de mes semblables, prendre quelques nouvelles, savoir comment me rendre utile, et dire en quelque sorte “tu n’es pas tout seul”. C’est ainsi qu’est né le projet de documenter cette période inédite, accompagnée de tout son lot d’émotions multiples, parfois contraires, qui nous accueillent. Tous, nous avons cette expérience désagréable en commun, et à mon sens cela nous réunit, même entre parfaits inconnus. Par le cadre de la fenêtre, notre seul passerelle avec l’extérieur, j’ai photographié l’angoisse, la peur, les tensions, la solitude, l’incompréhension des enfants, la surcharge mentale des parents, mais aussi une tendresse infinie, beaucoup d’espoir et de l’ennui.

Tout autant de sentiments qui s’entrechoquent en silence, dans l’intimité des foyers, que l’isolement ou la pudeur empêchent de partager mais que j’ai souhaités rendre visibles. Des moments sombres, des moments lumineux. Tout ce qui fait la vie, et tout ce qui fait la photographie. Plus encore que ma maison, les images sont devenues mon refuge. J’ai ressenti la nécessité de saisir ces chefs d’oeuvres vivants façonnés par la vie, une “comédie humaine” en différents tableaux. Etonnamment, cette idée a trouvé un écho parmi beaucoup de monde, enthousiaste à l’idée de briser la routine pour un moment ou ravi de faire quelque chose d’artistique avec toute cette matière anxiogène. A travers la fenêtre, l’extérieur tutoie l’intérieur. A travers la fenêtre, nous avons parlé, nous nous sommes confiés sans nous connaître, nous nous sommes parfois offert de petits cadeaux et toujours nous nous sommes chaleureusement remerciés et souhaité le meilleur. L’isolement est ce lien qui nous unit, nous réunit, et qui a fait tomber beaucoup de barrières. J’ai vu l’empressement, et la nécessité, malgré la pudeur, la timidité, le fait que vous soyons de parfaits inconnus, de manifester de la gentillesse et de la bienveillance autour de soi. La satisfaction après avoir assouvi ce besoin. Pour les personnes photographiées comme pour moi. Très naturellement, j’ai demandé à ceux qui le pouvaient une participation financière, que j’ai reversée entièrement, en leur nom, à différentes associations venant en aide aux plus démunis. Ceux qui ne peuvent s’offrir le luxe de rester en isolement.

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